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Activisme ou paternalisme ? Le cas du tourisme basé sur les éléphants en Asie du Sud Est.

Le tourisme basé sur les éléphants n’a rien de nouveau. Les plus vieux voyageurs en sac à dos parmi nous se rappellent encore les éléphants déambulant dans les rues de Bangkok, une vision banale dans les années 90 et au début des années 2000. Déjà à cette époque, voir cet animal majestueux marcher sur le bitume au milieu des Tuktuks et des taxis nous mettait mal à l’aise. Le gouvernement Thaïlandais a interdit la mendicité en ville avec les éléphants depuis des décennies, il s’agit d’une parmi tant d’autres améliorations majeures apportées à la condition des éléphants captifs à travers les années. Mais est-ce que les gens en Occident ont eu vent de ces améliorations ? Sûrement pas. Je pensais que notre ignorance, pour nous Occidentaux, était liée à une absence de connaissance de ces réformes. Mais après avoir travaillé pendant des années dans le tourisme basé sur les éléphants je me rends compte que les Occidentaux ne sont tout simplement pas intéressés à écouter les voix venant d’Asie du Sud Est.


La plupart des Occidentaux ne montrent aucun intérêt à reconnaitre les avancées effectuées dans la recherche et la science liées au bien être des éléphants. Les ONG occidentales sont en position dominante vis-à-vis des communautés locales, les privant d’une source de revenus légitime pour des tranches pauvres de la société tout en continuant à déshumaniser toutes les personnes travaillant avec des éléphants en Asie du Sud Est, les considérant comme inéduquées, ignorantes et intrinsèquement cruelles. Même les scientifiques et les vétérinaires les plus réputés d’Asie du Sud Est sont rejetés, leurs recherches scientifiques au sujet du bien-être des éléphants sont complètement ignorées par les Occidentaux preneurs de décision. Les vétérinaires et responsables universitaires sont régulièrement la cible d’attaques en ligne par des “amoureux des éléphants“occidentaux. Les Occidentaux souhaitent-ils être informés sur le bien-être des éléphants par des spécialistes locaux ? La réponse est un retentissant NON.


Nulle part ailleurs cette dichotomie est aussi visible que dans la tentative actuelle de passer le UK Animals Abroad Bill au parlement Britannique. En résumé, un petit groupe d’activistes de la cause animale occidentaux essaie de faire interdire toute publicité liée au tourisme basé sur les éléphants au Royaume Uni. Cette tentative paternaliste d’imposer une loi impactant un continent lointain ne changera pas la vie d’un seul éléphant. La Bill ne permettra pas d’investir le moindre Euro dans le tourisme durable, ni d’améliorer la vie d’aucun animal et d’aucune personne nulle part. Au pire, l’absence de publicité va diminuer le bien-être des éléphants car leurs propriétaires disposeront de moins de fonds pour s’en occuper. Pour être claire, la Bill ne signifie pas le bannissement du tourisme avec les éléphants, juste la vente de l’activité au Royaume Uni. Un Britannique pourra toujours acheter un billet pour une activité avec les éléphants une fois en Asie du Sud Est (et beaucoup le font). Ils ne seront juste plus en mesure d’acheter exactement le même billet depuis le Royaume Uni. Vous êtes confus ? Suivez l’argent.


Les groupes de défenseurs des animaux occidentaux sont complètement dépendants des donations de leurs bienfaiteurs indignés. Montrer les excellents camps d’éléphants en Asie du Sud Est ou travailler avec les experts du bien-être des éléphants ne va pas aider à faire affluer les donations. Les groupes de défense des animaux, dépendent des images d’éléphants qui pleurent pour obtenir plus de donations (note : l’éléphants asiatique ne peut physiologiquement pas pleurer. Leurs yeux diffusent du liquide pour évacuer la poussière et les corps étrangers, non des larmes de tristesse ou reflétant les abus subis).


C’est dans l’intérêt financier des groupes défenseurs des animaux occidentaux de perpétuer le mythe de souffrance continue, d’abus perpétuels et de l’absence de changement. Ils appellent cela le marketing efficace mais il s’agit du complexe à peine voilé du sauveur Blanc. Les peuples d’Asie du Sud Est ne peuvent pas prendre soin des éléphants sans les instructions de groupes de Blancs occidentaux. Plus alarmant encore, ces groupes occidentaux cachent les avancées scientifiques et gardent sous silence les experts pour perpétuer des stéréotypes qui servent leurs intérêts financiers.


Depuis des années, des articles scientifiques concernant les meilleures pratiques dans le bien-être et le management des éléphants captifs en Asie du Su Est, évalués par des pairs, basés sur des preuves tangibles ont été publiés. La plupart de ces recherches détruisent les théories les plus communes sur lesquelles les ONG occidentales obtiennent leurs donations. Ces recherches concernent notamment les balades à dos d’éléphants (elephant riding), les différentes formes d’entrainement, les possibilités d’enrichissement (training, enrichment), le niveau de stress (stress levels) suivant les activités des éléphants travaillant dans le secteur du tourisme en Asie du Sud Est.


Toutes ces activités peuvent être considérés comme sûres pour les éléphants si elles suivent des règles précises. Si toutes ces preuves sont disponibles, pourquoi les Occidentaux les ignorent-ils ? L’objectif de ces recherches consistent à améliorer le bien-être des éléphants et de mettre en place des bonnes pratiques pour le management. Les groupes de défense des animaux occidentaux ne devraient-ils pas faire circuler massivement ces recherches sur le bien-être animalier à travers leurs réseaux ? Au contraire, ils font l’opposé et obstinément décident d’en ignorer l’existence. Quand vous ignorez la science pour valoriser votre propre version de la vérité, vous cessez d’être dans le camp des bonnes personnes.


Les associations de professionnels du voyage telle que l’ABTA (Association of British Travel Agents) sont également responsables d’ignorer la science et les avis d’experts concernant le bien-être des éléphants. Plus intéressées par leur responsabilité publique et leur réputation, ces associations préfèrent dicter aux communautés en Asie du Sud Est-ce qui est bien ou mal au lieu d’obtenir les conseils des spécialistes des éléphants d’Asie. En fait, l’ABTA a stratégiquement ignoré les conseils des experts en éléphants depuis des années, décidant de sélectionner des bouts de science à incorporer ou non dans leurs politiques. La sélection de résultats scientifiques et la rétention d'informations fondées sur des preuves peuvent sembler anodines pour les décideurs occidentaux. Mais cela a des conséquences réelles pour les communautés sans voix directement touchées par le contenu, sans fondement scientifique, du “tourisme anti-éléphant“ établis par l'Occident.


Tout le monde a peur de se dresser contre l’industrie multi millionnaire en dollars des activistes des droits des animaux et leur armée dévouée de trolls en ligne. Les agences de voyage occidentales sont tellement effrayées d’être appelées abuseur d’animaux que c’est plus facile de se prosterner en silence et laisser les activistes fouler du pied la science. Virtue signaling, la vertu ostentatoire, est également devenue une pratique populaire. “Arrêtez d’abusez des éléphants“ est beaucoup plus accrocheur que “Nous soutenons le management basé sur des preuves tangibles des éléphants en Asie au cas par cas“. Les autorités touristiques des pays d’Asie du Sud Est ont maintenant trop peur d’utiliser des images d’éléphants dans leur communication, sachant que des trolls au Royaume Uni, aux Etats Unis, en Australie hurleront d'indignation à la simple pensée de la maltraitance des éléphants. Les demandes des militants des droits des animaux sont traitées comme parole d’Evangile tandis que les voix des scientifiques et des experts en matière d'éléphants sont étouffées. Malheureusement, rien de tout cela n'améliore le bien-être des éléphants.


Le personnel se soucie profondément des éléphants d'Asie À la forêt des éléphants de Kulen, au Cambodge. Crédit photo N. Dubrocard.


Le réseau des professionnels des éléphants d'Asie est relativement restreint. La plupart des gestionnaires de camps d'éléphants, des vétérinaires, des gardiens de zoo et des universitaires du monde entier forment un groupe cohérent. Ils sont plus qu'heureux de partager des informations, d'apprendre les uns des autres et de soutenir la science. L'argument qui fait rage autour du tourisme des éléphants n'est pas le fait des experts du bien-être des éléphants. Ce sont plutôt les groupes occidentaux de défense des droits des animaux sans instruction qui répandent des contrevérités en ligne, ferment les yeux sur la propagande et encouragent les stéréotypes contre toutes les personnes travaillant avec des éléphants. Une vieille photo d'un éléphant maltraité n'est pas révélatrice d'un secteur entier, mais la science chuchote tandis que les émotions se déchainent.


La plupart des Occidentaux n'ont aucune qualification concernant la conservation ni aucune expérience de camp d'éléphants. Pourtant, ils se sentent si justes et vertueux à propos des éléphants qu'ils croient vraiment que leurs opinions surpassent celles des universitaires, des vétérinaires et de gestionnaires de camps d'éléphants reconnus et estimés dans toute l'Asie du Sud-Est. Ce n'est même pas un préjugé inconscient, c'est du racisme flagrant.


Les abus continus dirigés contre les acteurs du tourisme basé sur les éléphants affectent certaines des communautés les plus financièrement vulnérables d'Asie du Sud-Est. Les bénéfices du tourisme basé sur les éléphants s'étendent bien au-delà des limites d'un camp. Les agriculteurs locaux ont un revenu stable grâce à des contrats perpétuels pour l'herbe et le fourrage. Les femmes sont employées dans les camps et les filles reçoivent assez d'argent pour aller à l'école. Des ponts ont été construits et des procédures médicales coûteuses ont été payées par la communauté du tourisme des éléphants. Mais les Occidentaux ne veulent pas entendre parler des pauvres. Ils ne sont intéressés que par la photo d'un éléphant enchaîné et profondément irrités par celle-ci. Ils savent que l'éléphant fait face à une vie de misère et de souffrance. Ils le savent grâce à la publicité sponsorisée par les militants des droits des animaux. C'est juste là, à côté du gros bouton "faire un don".


La relation homme-éléphant dans de nombreuses communautés d'Asie du Sud-Est existe depuis des milliers d'années. Les améliorations modernes apportées à la législation et à la réglementation signifient que cette tradition n'est plus la pratique indésirable qu'elle était autrefois. L’entrainement des éléphants peut se faire avec la voix et les récompenses, de nombreux camps atteignent des niveaux de bien-être des éléphants supérieurs à ceux des zoos occidentaux et les pratiques de gestion de la conservation des espèces menacées sont appliquées dans les contextes appropriés. Il y a tellement de gestionnaires d'éléphants hautement qualifiés et compétents en Asie du Sud-Est, avec beaucoup d'éléphants bénéficiant d'excellents niveaux de bien-être. Mais vous ne le saurez jamais, car les Occidentaux ont du mal à reconnaître que les locaux peuvent effectivement s'occuper des éléphants. Le racisme et les préjugés sont si profondément ancrés dans la critique occidentale du tourisme basé sur les éléphants que la plupart des Occidentaux n'ont aucune compréhension de l’importance de la relation entre l'homme et l'éléphant. Tout ce qu'ils ont appris sur les éléphants et les personnes travaillant avec les éléphants provient directement du site Web des activistes des droits des animaux. Et c'est terrifiant.


Le tourisme peut entraîner des changements sociaux et environnementaux positifs de bien des façons. Il n'y a pas un seul gouvernement sur terre qui investit de manière adéquate dans la conservation des espèces menacées - des fonds privés sont désespérément nécessaires pour faire avancer la gestion de l'environnement. Les revenus privés des entreprises durables du tourisme basé sur les éléphants peuvent remodeler les communautés et améliorer les solutions pour les espèces menacées. Pourtant, les pays les moins avancés et en développement subissent des pressions de la part de l'Occident pour qu'ils renoncent à des opportunités touristiques qui ne nuisent pas aux éléphants, aux dépens de l'ignorance occidentale formatée. Bien sûr, certains camps d’éléphants travaillent dans des mauvaises conditions. Il s'agit d'une préoccupation constante dans toute industrie et ne se limite certainement pas à l'Asie du Sud-Est. S'il existe une société pour la protection des animaux dans votre pays, alors il y a un problème de cruauté envers les animaux dans votre pays. Mais la question demeure ; pourquoi les balades à dos de chameau en Australie reçoivent-elles tant d'éloges, alors que le tourisme à dos d'éléphant en Asie du Sud-Est est qualifié d'exécrable ? Si toutes les données scientifiques indiquent que le tourisme à dos d'éléphant est possible sans compromettre le bien-être des éléphants, alors quel est le problème ? Peut-être que le problème, c'est vous.



Ingrid Suter

Dr Ingrid Suter est titulaire d'un doctorat en conservation des éléphants d'Asie en captivité. Elle a beaucoup travaillé dans la gestion des éléphants d'Asie en captivité depuis 2008 et est maintenant cofondatrice d'Asian Captive Elephant Standards, une entreprise d'audit basée en Thaïlande.



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